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Photo du rédacteur Cécilia Commo

Comment le Stress Endommage Notre ADN ?


Stress et ADN. Santé. Cecilia Commo blog

Problèmes d'argent, surmenage professionnel, exercice de la parentalité, ces pressions de plus en plus courantes ont participé à faire du stress un facteur bien présent dans la vie moderne américaine.

Selon le questionnaire Stress in America de l'APA, 42% des adultes américains déclarent que leur niveau de stress a augmenté depuis les cinq dernières années. Même le niveau de stress des adolescents rivalise désormais avec celui des adultes.

De récentes recherches suggèrent que les dommages [au sein de notre ADN] provoqués par le stress chronique démarrent avant même que nous ne soyons conçus, et s'inscrivent durablement dans nos cellules.

Un certain nombre d'études ont corrélé "stress" et "courte taille" de nos télomères, un composant chromosomique qui est associé au vieillissement cellulaire, aux risques de maladies cardiaques, aux diabètes ainsi qu'aux cancers.

Mais de quelle façon notre personnalité et notre environnement jouent-ils un rôle dans ce phénomène ?

Elissa Epel, PHD, explore cette question depuis plus d'une décennie à l'Université de Californie à San Francisco, où elle dirige le Center for Aging, Metabolism and Emotion. Elle travaille souvent aux côtés du docteur Elizabeth Blackburn, lauréate d'un prix Nobel en 2009 pour ses recherches sur les télomères.


Que sont les télomères, et en quoi sont-ils reliés au vieillissement et aux maladies ?

Les télomères constituent une extension des chromosomes ; ils sont situés à l'extrémité des brins d'ADN. À chaque fois qu'une cellule se divise, elle perd une petite partie de ses télomères. Une enzyme appelée télomérase a pour rôle de les reconstituer mais le stress chronique ainsi que l'exposition à la cortisone diminuent cette faculté à la reconstitution.

Lorsque que les télomères ont trop diminué [voire totalement disparu de l'extrémité des brins ADN], le plus souvent la cellule meurt ou devient inflammatoire.

Ceci définit le processus de vieillissement [plus nous vieillissons, plus nos télomères raccourcissent] mais participe aussi à des risques de maladie plus élevés.

Comment le facteur de "stress" affecte-t-il la longueur d'un télomère ?

Les deux plus gros facteurs [influant sur la taille de nos télomères] sont l'âge biologique et la génétique mais le stress est désormais un des plus solides prédicteurs de raccourcissement de la longueur des télomères. C'est le type de stress qui détermine l'importance de ce raccourcissement.

Il semble que l'exposition dès le plus jeune âge à diverses épreuves douloureuses, comme la maltraitance, a les effets les plus importants lorsque cette exposition se poursuit jusque tard dans la vie adulte, ou qu'elle installe des mécanismes qui maintiennent la petite taille des télomères durant la vie, comme une réaction exagérée au stress et une mauvaise hygiène de vie.

Le stress lié à la maladie chez les séniors a également un impact.

On peut observer la relation qui existe entre le stress et le vieillissement des cellules sur une durée de vie ; l'impact de cette relation est fondamental sur notre construction.

Notre cerveau est constamment en éveil sur ce qui peut constituer une menace à notre survie. Lorsque l'on expose notre corps pendant des années à un stress chronique, nous pouvons constater des effets qui accélèrent le processus normal de vieillissement, et qui donnent à nos télomères l'allure [et la taille] des télomères d'une personne plus âgée. 

[On sait que le vieillissement naturel induit un raccourcissement de nos télomères, mais un raccourcissement de nos télomères provoqué par le stress provoque un vieillissement... accéléré, ce qui nous rend, et ce de façon précoce, vulnérables à des maladies normalement lié à la vieillesse].

Lorsque l'on observe des groupes de personnes avec un trouble psychiatrique lié à des réponses émotionnelles perturbées, en particulier la dépression, et qu'on les compare à des groupes contrôles de personnes qui n'ont jamais eu ce type de troubles, ils ont de manière constante des télomères plus courts.


À quel moment du début de la vie démarrent les effets négatifs du stress ?

Si on veut être très précis, cela commence avant la conception.

L'environnement intra-utérin du bébé est façonné par l'état de santé de la maman. Il y a également eu de nombreuses études sur la santé de la mère et la taille des télomères du nourrisson. Jusque là, nous avons pu observer dans une étude de faible taille, que plus le niveau d'anxiété chez la femme enceinte est élevé,  plus la longueur des télomères du bébé est courte (Sonja Entringer, PhD, Pathik Whadhwa, PhD, et autres).

Ce scénario renforce l'idée d'une accélération du vieillissement. Et c'est peut être une des périodes les plus critiques dans le temps en terme d'impact sur le vieillissement cellulaire. Une transmission transgénérationnelle des risques doit être prise en compte pour comprendre et améliorer les politiques de santé publique.

Un autre facteur significatif, présent à la fois dans les études cliniques et épidémiologiques, correspond aux difficultés rencontrées très tôt dans la vie ; elles sont associées à des télomères plus courts. Cette relation a tout d'abord été observée chez des adultes lorsque des difficultés précoces étaient évaluées rétrospectivement, mais désormais on observe le même phénomène chez des jeunes enfants et ce, de manière prospective. Maltraitance, abus, négligences sévères et exposition à la violence : toutes ces épreuves semblent "ronger" les télomères [et les raccourcir].

Selon une étude menée par Colter Mitchell, PhD, et collègues, il existe des "amortisseurs" aux trauma infantiles telle qu'une relation parents/enfants de très bonne qualité, ou la chance de posséder un génotype réparateur de stress.


Le stress peut altérer notre métabolisation des graisses et des aliments sucrés. Que peut-on en dire ?

Oui. On retrouve un lien. Le stress chronique fait des ravages sur les schémas neuronaux des conduites alimentaires compulsives. Il peut induire des changements neuroplastiques qui altèrent notre façon de voir le monde et d'y réagir, changements qui pourraient être bénéfiques pour la survie à court-terme mais pas pour les mécanismes nécessaires à la longévité. Le stress détériore nos fonctions d'exécution, ce qui altère notre capacité à résister aux impulsions. Le stress chronique peut augmenter l'effet de "récompense" du cerveau donc si nous sommes enclins à une addiction, cela peut engendrer une majoration de cette addiction. 


Que se passe-t-il au niveau de notre organisme ?

Nous savons que les personnes qui présentent un stress elévé présentent également des taux de graisse abdominale élevés. Les modèles animaux (souris) étudiés nous montrent cette convergence. La combinaison entre un stress élevé et une proportion à ingérer de grandes quantités de "malbouffe" présente une une vraie synergie. Le stress entraîne le neuropetide Y (NPY), activateur chimique des cellules graisseuses abdominales, à faire grossir ces dernières. 


Le docteur Kirstin Aschbacher, professeure assistante et moi-même avons examiné ce processus chez les humains et avons bien repéré ce processus. Ce sont les parents les plus stressés qui mangent le plus et ont des taux de NPY et de graisse abdominale les plus élevés. Ceci n'a pas été observé chez les parents avec des habitudes alimentaires plus saines pas plus que chez les parents aux mauvaises habitudes alimentaires, certes,  mais avec un faible taux de stress.

Dans notre prochaine étude, nous allons soumettre nos groupes "Stress Élevé" versus "Stress Faible" à un régime alimentaire chargé en sucres, sur une courte période évidemment, pour tester ces effets de façon plus expérimentale.

Après l'étude du NPY sur des rongeurs, il y eut une vague d'excitation : "Peut-on bloquer le NPY, et par conséquent, la relation stress/graisse ?" Je pense que cela est peu probable. Le stress emprunte de nombreux circuits, il faudrait donc le bloquer à sa source, c'est à dire sur notre façon de percevoir les évènements [qui nous impactent].

Sans quoi, ce serait mettre un pansement sur une boucle à l'effet très robuste entre le stress et les cellules graisseuses. C'est un des principaux mécanismes de survie, et je doute qu'il puisse être bloqué par un unique facteur chimique.


Sur quoi d'autres travaillez-vous ?

Notre groupe, et ceci inclut mes collègues les Docteurs Nancy Adler et Barbara Laraia, a pris en charge une étude qui nous intéresse particulièrement : intervenir pour aider les femmes enceintes en surpoids et à faibles revenus à modifier leur comportement de soins vis à vis d'elles-mêmes et de leurs bébés. Nous voulons profiter de la grossesse comme d'un moment favorable à l'apprentissage où la motivation est très forte, et où la santé psychologique et physiologique d'une future génération est en formation. Il se trouve que cette étude est celle qui nous a le plus bousculées.


Nous avons mis en place des sessions thérapeutiques tournées vers la gestion du stress et la prise de poids durant la grossesse. Malgré la très forte motivation de ces femmes, certains facteurs structurels les empêchent d'atteindre leur but. Il y a trop d'évènements imprévisibles voire traumatiques intriqués dans leur voisinage et leur environnement social qui perdurent durant leur grossesse. Elles sont témoins ou victimes de faits violents. Une de nos participantes a même été blessée par balle durant sa grossesse. Les bébés en développement sont exposés à tout cela.

Des sessions, seules, ne peuvent pas transformer les aspects critiques de leurs habitudes alimentaires, incluant le stress généré par le manque de nourriture pour elles-mêmes ou leur famille. Nos sessions peuvent les aider à réduire leur dépression et leur stress, ce qui a des répercussions biochimiques significatives mais la prévention concernant la prise de poids excessive nécessite plus que des réunions de groupe, et doit débuter avant le milieu de la grossesse pour pouvoir influencer les bébés à venir.

Je suis également très impliquée dans l'amélioration des interventions liées à la réduction du stress par le biais de la régulations des émotions adaptatives - en partie grâce aux techniques thérapeutiques de "pleine conscience" [...]

Nous testons également les effets que les exercices d'aérobic peuvent avoir sur la télomerase de jeunes adultes sédentaires (observations effectuées par le Dr Eli Puterman). L'activité physique est probablement l'antidote le plus puissant à la dérégulation du stress biologique - sécrétions excessives de cortisol, d'insuline et de stress oxydatif qui constituent une "soupe" de stress. Les études croisées d'Eli [Puterman] démontrent que l'exercice physique modère la relation stress/télomères. Il a publié ce qui semble être la première démonstration concernant un "amortisseur" de stress à l'échelle d'une vie.


Si vous avez une année très stressante, oui, vos télomères risquent d'en subir les conséquences mais pas si vous faites attention journalièrement à votre santé - pratiquer une activité physique, manger des fruits et des légumes, dormir suffisamment. Si vous maintenez cette hygiène de vie, l'usure de vos télomères ressemblera à celle de quelqu'un qui a passé l'année sans subir de stress majeur.


Quels sont les facteurs de risques induisant un stress chronique les plus souvent sous-évalués  ?

Ceux inhérents à notre environnement social. Quelle est la qualité de votre tissu social ? Quels liens entretenez-vous avec les personnes qui font partie de votre cercle social, à commencer par les membres de votre famille ? Un réseau social solide constitue très certainement le meilleur "amortisseur" au stress avec l'exercice physique. Cependant nous négligeons souvent de prendre soin de nos relations sociales. Nous remarquons d'ailleurs beaucoup de solitude parmi les groupes dits à haut risque de stress, comme chez les personnes âgées, plus susceptibles d'être isolées. Chez ceux qui ont de faibles revenus financiers, beaucoup font de très longues journées de travail. Une partie du problème est que les journées ne sont pas extensibles, et si vous travaillez trop, vous ne disposez pas de temps pour vous ou pour votre cercle de relations.


Vous démarrez une étude à UCSF [University of California, San Francisco] où vont être distribués des tests de mesure de longueur de télomères  ? N'est-il pas encore plus stressant de découvrir que l'on a des télomères courts plutôt que de ne rien savoir ?

Nous avons pu constater la valeur prédictive apportée par la taille des télomères sur l'apparition des maladies liées à l'âge. Beaucoup de découvertes nous poussent à nous appuyer sur celles-ci afin de surveiller voire d'anticiper ces maladies plutôt que d'attendre que nous tombe dessus un diagnostic que nous ne pourrons pas modifier. Nous découvrons que beaucoup de personnes sont désireuses de quantifier et de suivre au plus près leurs comportements. Peut-être que de connaître la longueur de ses télomères et dans quelles proportions cette longueur change chaque année pourrait être bénéfique. Peut-être que le fait de le savoir serait pire en effet. À ce stade, nous n'en savons rien.

Nous prévoyons de mettre en place un très large groupe d'expérimentation au sein duquel les personnes pourront mesurer leurs télomères à moindre coût, et ce de manière constante, pour ensuite nous fournir des données sur leurs comportements, médications, évènements et ainsi de suite, susceptibles d'affecter les mesures sur la durée. En récupérant des quantités massives de données, nous pourrons en apprendre plus sur la dynamique des changements comportementaux in situ. Une telle connaissance poussera-t-elle à la responsabilisation et la motivation de tout un chacun, et les efforts apportés pour allonger la taille des télomères auront-ils un impact ? À l'heure actuelle, une de nos études de faible envergure nous suggère qu'il n'est pas trop stressant de savoir que l'on est sur une mauvaise pente. Les gens veulent connaître la taille de leurs télomères accompagnée d'une interprétation  responsable des risques encourus. Nous sommes donc intéressés par la réponse à une question plus large : Y a-t-il une utilité à mesurer [et connaître] la taille de nos télomères de façon individuelle ?



 

- Journaliste : Stacy Lu  - Traduction :  Cécilia Commo

Les annotations entre [ ] sont celles de Cécilia Commo pour éclairer le lecteur.

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